Harcèlement criminel : les communications harcelantes

mercredi 7 juin 2023, 11:59

À l’heure des médias sociaux, force est de constater que le nombre de communications afflue à la vitesse grand V entraînant avec elle une hausse de la cyberviolence.    

L’affaire R c. Arsenault [1] rendue en juin 2021 au Palais de Justice de Montréal a mis en lumière que l’impunité autrefois observée sur les réseaux sociaux au nom de la liberté d’expression avait ces limites. Si anciennement, le moyen de communication le plus utilisée était l’appel téléphonique, aujourd’hui il peut prendre une autre forme, notamment celle du commentaire publié sur vos réseaux sociaux.

Dans cette affaire, la plaignante, une influenceuse ayant une certaine notoriété a été harcelée de 2014 à 2017 par plusieurs comptes Instagram tous pilotés par l’accusé. L’influenceuse fut inondée de messages et commentaires pouvant être dégradants violents et à connotation sexuelle. Dans son jugement, la juge a considéré que l’accusé était hors de tout doute raisonnable coupable de harcèlement criminel et de communications harcelantes.

Bien que de prime abord elles puissent sembler similaires, ces deux infractions sont pourtant bien distinctes.

Dans cet article, nous nous concentrerons sur l’analyse de l’infraction de communications harcelantes.

La distinction entre le harcèlement criminel et les communications harcelantes

Le Code criminel prévoit à l’art 372 (3) que « commet une infraction quiconque, sans excuse légitime et avec l’intention de harceler quelqu’un, communique avec lui de façon répétée ou fait en sorte que des communications répétées lui soient faites, par un moyen de communication ».

Distincte de l’infraction de harcèlement criminel prévu à l’art. 264 du Code criminel, cette infraction n’a pas le même fardeau de preuve. En effet, l’actus reus et la mens rea sont différentes de celles nécessaires au fardeau de preuve de harcèlement criminel dont la gravité est supérieure à celle de l’infraction de communications harcelantes.

Le fardeau de preuve

Généralement la commission d’une infraction criminelle suppose deux éléments, le fait d’avoir commis un acte physique ou une omission (l’actus reus) et l’état d’esprit qui accompagne l’acte (la mens rea).

Les éléments de l’actus reus requièrent que les communications harcelantes aient été faites par un moyen de télécommunication de façon répétée, sans en exiger la preuve de réception [2]. La jurisprudence a déjà considéré qu’il n’était pas nécessaire que celui qui téléphone prononce des paroles pour être déclaré coupable. Par exemple, le fait de téléphoner 14 fois dans un délai de 8 minutes et de raccrocher lorsque le combiné est décroché est suffisant pour constituer des appels téléphoniques harassants selon le juge d’appel [3]

Quant aux éléments de la mens rea, il faut une intention de transmettre une communication harcelante. Il y’a une exigence de la connaissance de l’effet causé par le comportement harcelant ou une insouciance à cet égard. Dans l’arrêt Manrique de la Cour d’appel [4], le juge rappelle que l’expression avec l’intention de harceler de l’art. 372 (3) signifie avec l’intention d’ennuyer, agacer, importuner, déranger.

Ainsi contrairement à l’infraction de harcèlement criminel, nul besoin pour la victime de communications harcelantes de craindre pour sa sécurité [5].

Ainsi bien que dans le milieu culturel, vous êtes susceptible d’être plus exposé publiquement, « la liberté d’expression de l’accusé s’arrête là où le législateur trace la ligne et criminalise les communications harcelantes » [6].

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[1] R. c. Arsenault, 2021 QCCQ 5234 (CanLII)

[2] R. c. Rancourt, 2015 QCCQ 9639 (CanLII)

[3] R. v. Sabine, 1990 CanLII 5960 (NB QB)

[4] Manrique c. R., 2020 QCCA 1170 (CanLII)

[5] Ibid, par. 35

[6] R. c. Godbout, 2021 QCCQ 5156 (CanLII), par. 69

Me Angelica Brachelente

Avocate et chargée de projet

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