La vulnérabilité du statut des travailleur.euse.s temporaires dans le milieu culturel

mardi 1 mars 2022, 15:15

La vulnérabilité du statut des travailleur.euse.s temporaires dans le milieu culturel

Selon Statistiques Canada, 3,8 % des personnes issues de l’immigration travaillant dans le domaine des arts, des spectacles, des loisirs, de l’industrie de l’information et de l’industrie culturelle [1] disposent de permis de travail fermés. Par la nature même du permis fermé, les personnes vivant des situations de violences au travail étaient doublement pénalisées du fait qu’ils ne pouvaient quitter le milieu de travail devenu toxique sans mettre en péril leur statut immigratoire. Après une analyse profonde, le gouvernement fédéral a répondu à cette lacune législative en initiant le permis de travail ouvert pour les employé. es vulnérables (ci-après « le permis de travail ouvert ») au sein du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés [2] (ci-après « le Règlement »).

Mais qu’est-ce qu’un permis de travail fermé ?

Le permis de travail lié à l’employeur, aussi connu comme le permis de travail fermé, est un permis qui limite l’employée à un employeur particulier. Il.elle est tenu•e de respecter les conditions attachées à ce permis, notamment, le genre de travail, l’employeur, le lieu de travail et la période de travail autorisée (article 185 [b] [iv] du Règlement). En effet, en disposant d’un permis de travail fermé, il est impossible de changer d’employeur sans devoir entreprendre une autre demande de permis. Une démarche d’au moins huit semaines [3], dont le nouvel employeur est impliqué et paie lui-même les frais de demande.

Connaissant les modalités restrictives d’un permis fermé, le travailleur en position de vulnérabilité face à l’employeur s’expose à toutes formes d’abus, d’exploitation et de violences physiques et psychologiques pouvant survenir dans un milieu de travail qui serait devenu alors toxique. Pensons à ceux et celles du milieu agricole qui ont vécu « le harcèlement psychologique, le non-paiement des jours fériés […] les congédiements sans motifs valables et la saisie des documents personnels » au travail [4]. Cette situation indexe la nécessité de protéger les travailleurs. euses temporaires.

Le nouveau permis de travail ouvert

Après la mise en lumière de plusieurs cas d’abus, le gouvernement fédéral a décidé de réagir, en adoptant un permis ouvert pour les travailleur•euse•s vulnérables. Ce dernier autorise aux travailleurs temporaires victimes de violences en milieu de travail à changer d’employeur dans une démarche simplifiée et dans de meilleurs délais.

Cette demande de permis est ouverte pour les personnes répondant aux trois critères suivants.

  • D’abord, au moment de la demande, le•la demandeur•esse doit se trouver au Canada selon l’article 207.1 (1) du Règlement.
  • Ensuite, le•la demandeur•esse doit déjà être titulaire d’un permis de travail temporaire valide (article 207.1 [1] [a] ou [b] du Règlement).
  • Dernièrement, le•la demandeur•esse doit avoir été victime de violence ou risque d’y être dans le cadre de son emploi (article 207.1 [1] du Règlement). Pour les fins de la présente demande, la notion de « violence » est définie à l’article 196.2 du Règlement comme étant soit la violence physique, sexuelle, psychologique ou même l’exploitation financière [5].

Lorsque les trois critères seront réunis, une demande peut-être déposée et celle-ci est traitée par un•e agent•e dans les cinq jours suivant le dépôt [6]. Une fois approuvé, le permis ouvert est valide pour une durée approximative de 12 mois [7].

Le milieu culturel

Selon les statistiques de l’année dernière, environ 20 000 travailleurs. euses du milieu culturel détiennent des permis de travail fermé. Il est primordial de protéger ces personnes qui contribuent au rayonnement de la scène culturelle canadienne [8].

Le milieu artistique canadien est caractérisé par sa diversité notamment, dans le genre, l’orientation sexuelle, l’ethnicité, et l’état civil. Des particularités qui peuvent favoriser un traitement impartial de l’employeur dans un environnement non — inclusif. Par ailleurs, les femmes artistes du Canada [9], sont le plus à même d’être victimes de harcèlement au travail [10].

L’industrie culturelle est un milieu de travail avec ses propres particularités. Les horaires irréguliers, la plus forte probabilité de contacts physiques comme dans le milieu de la danse et du cirque, les contrats à court terme [11] sont autant de facteurs rendant les travailleur•euse•s du milieu culturel plus susceptible de subir des violences.

Conclusion

En somme, les travailleur•euse•s temporaires du milieu culturel sont susceptibles de se retrouver dans une situation de vulnérabilité face à leur employeur. L’Aparté offre des services d’accompagnement juridiques pour les victimes et témoins de tout type de violences psychologiques et physiques et intervient auprès de plusieurs organismes culturels dans une démarche qui se veut préventive et éducative.

Références

[1] Yunqian LU, « Répartition des travailleurs étrangers temporaires dans les industries au Canada (statcan.gc.ca) », Statistiques Canada, 2020.
[2] Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, Gaz. Can II
[3] Gouvernement du Canada, « Permis de travail : Après avoir présenté une demande », Gouvernement du Canada, https://www.canada.ca/fr/immig…
[4] Danièle Bélanger et Guillermo Candiz, « Des travailleurs agricoles étrangers en danger », Le Devoir, 2021. https://www.ledevoir.com/opini…
[5] Gouvernement du Canada, « Permis de travail ouverts pour les travailleurs vulnérables [R207.1 – L72] – Programme de mobilité internationale », Gouvernement du Canada, https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/organisation/publications-guides/bulletins-guides-operationnels/residents-temporaires/travailleurs-etrangers/travailleurs-vulnerables.html.
[6] Id.
[7] Id.
[8] Yunqian LU, « Répartition des travailleurs étrangers temporaires dans les industries au Canada (statcan.gc.ca) », Staistiques Canada, 2020.
[9] Kelly HILL, « Diversité démographique des artistes au Canada en 2016 », Regards Statistiques sur les arts, 2020, p. 10.
[10] Darcy Hango et Melissa Moyser, « Harcèlement en milieu de travail au Canada » Statistiques Cananda, 2018.
[11] Il était une fois…, « Comprendre le harcèlement en culture », L’institut national d’image et du son, 2021, Comprendre le harcèlement en culture – Il était une fois… de trop (unefoisdetrop.ca).

Pamela Laxxara

Étudiante en droit

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