mercredi 10 février 2021, 15:17
Lors du procès criminel, les victimes possèdent de nombreux droits. Malheureusement, bien souvent, elles ne les connaissent pas. Voici donc quels sont les droits dont les victimes bénéficient pendant le procès relativement à l’information et à la protection.
Si la victime en fait la demande, elle sera informée de la date, de l’heure et du lieu des procédures ainsi que de leur avancement et de leur issue (Charte canadienne des droits des victimes, ci-après, la « Charte », paragraphe 7 b)).
Elle a également le droit d’obtenir, sur demande, des renseignements sur le système de justice pénale et le rôle que les victimes sont appelées à y jouer, les services et les programmes auxquels elle a accès en tant que victime, ainsi que son droit de déposer une plainte pour la violation ou la négation d’un droit qui lui est conféré par la Charte (Charte, paragraphe 6).
Il importe de préciser qu’il est possible, pour toute personne, d’assister au procès criminel, y compris pour la victime et ses proches. En effet, les procès criminels sont publics. Cependant, lorsque la victime doit témoigner, elle ne sera pas autorisée à assister au procès jusqu’au moment de son témoignage puisqu’on souhaite éviter qu’elle ne soit influencée par les propos des autres témoins.
Identité
La victime a le droit de demander à ce qu’on protège son identité (Charte, paragraphe 12). Pour ce faire, un juge peut rendre une ordonnance afin d’interdire de divulguer, durant la procédure judiciaire, des renseignements qui pourraient permettre de déterminer son identité, qu’elle soit appelée comme témoin ou non (Code criminel, articles 486.31(1) et 486.4(1)). Pour obtenir cette ordonnance, la poursuite doit faire la preuve des préoccupations spécifiques du témoin ou de la victime par rapport à sa sécurité.
Il importe de préciser que le fait que le juge rende ou non l’ordonnance ne signifie pas qu’il croit ou qu’il ne croit pas le témoin ou la victime (1).
Passé sexuel
Par ailleurs, lors du procès, la preuve du passé sexuel de la victime n’est pas admissible en preuve. En effet, dans les cas d’infractions d’ordre sexuel, la preuve que la victime avait précédemment eu des relations sexuelles avec l’accusé ou un tiers n’est pas admissible si cela vise à déduire que la victime était consentante ou qu’elle est moins crédible (Code criminel, article 276(1)). Il se peut qu’une audition ait lieu afin de déterminer l’admissibilité de cette preuve à la demande de la défense (Code criminel, article 278.93). Le jury et le public ne peuvent pas assister à cette audition et on ne peut pas obliger la victime à témoigner (Code criminel, article 278.94(1) et (2)).
Réputation sexuelle
La preuve de réputation sexuelle présentée afin d’attaquer ou de défendre la crédibilité de la victime n’est pas admise au procès (Code criminel, article 277). On entend par preuve de réputation sexuelle, par exemple, le fait d’avoir déjà porté plainte pour agression sexuelle ou le fait d’avoir déjà travaillé dans l’industrie du sexe. C’est donc plus général que la preuve portant sur le passé sexuel (2).
Dossier privé
L’avocat de la Couronne ne peut pas transmettre de dossiers privés à la défense malgré le principe de la défense pleine et entière. On considère comme des dossiers privés : le dossier médical, le dossier psychiatrique ou thérapeutique, le dossier des services sociaux, le journal intime, etc (Code criminel, article 278.1).
Par contre, le dossier produit par l’enquêteur ou par la poursuite et qui est relatif à l’infraction en question n’est pas reconnu comme étant un dossier privé et peut ainsi être divulgué à la partie adverse (Code criminel, article 278.1). Toutefois, ceux portant sur d’autres causes ne peuvent pas être divulgués.
Le droit à la protection de la victime n’est pas absolu. Effectivement, la victime peut décider qu’elle accepte que ses renseignements personnels soient communiqués (Code criminel, article 278.2(2)). Sinon, il est aussi possible que le juge autorise cette communication (Code criminel, articles 278.2 (1) et 278.3 (1)). Pour que le juge prenne une telle décision, il faut qu’il considère le dossier pertinent et dans l’intérêt de la justice. Le juge prendra en compte les effets bénéfiques et préjudiciables de sa décision autant pour le droit à une défense pleine et entière de l’accusé que pour le droit à la vie privée du témoin ou de la victime (Code criminel, article 278.5(2)).
Dans les cas où le juge décide de permettre la communication du dossier privé de la personne plaignante, il peut imposer certaines conditions comme de communiquer une copie et non la version originale, d’interdire à la défense de communiquer les éléments du dossier, d’interdire de faire des copies du dossier, etc (Code criminel, article 278.7(3)).
Toutefois, le fait que le dossier soit remis à l’accusé ne veut pas dire qu’il est automatiquement admis en preuve. Le juge doit, en plus, déterminer l’admissibilité en preuve (Code criminel, article 278.92).
(1) Amissi Melchiade MANIRABONA, Introduction au droit des victimes d’actes criminels au Canada, Montréal, LexisNexis Canada, 2020, p. 187.
(2) Amissi Melchiade MANIRABONA, Introduction au droit des victimes d’actes criminels au Canada, Montréal, LexisNexis Canada, 2020, p. 199.
Anaïs Renaud
Étudiante en droit à l’Université de Montréal et stagiaire chez Juripop